Témoignages

Heinrich Hahne sur Simon Burgar

Heinrich Hahne, Exposition Hattingen, Mai 1973.:

Dans ces tableaux il s'agit d'hommes et de femmes. Dans leur façon d'être là, de s'asseoir ou de s'allonger, ils s'offrent à notre regard avec cette assurance nonchalante des aristocrates de la Renaissance.

Ils n'ont pas une occupation précise: ils ne discutent pas, ne prennent pas de décisions. Ils ne font pas de projets et ne travaillent pas.  Le sentiment qui les habite est celui d'une commune présence. Chacun, en apparence autosuffisant, semble s'interroger, sans bruit, sur l'action due à la proximité de l'autre.

Il semble qu'un érotisme ludique et parfois faunesque les anime. Cette façon de s'exprimer sans contrainte et sans but précis qui se manifeste aussi bien dans le choix du sujet que dans sa représentation, souvent avec un  fond en forme de nuages, nous rappellent les décorations aériennes d'un Tiepolo.

La présence corporelle des figures est clairement mise en valeur. Rien à voir avec le Réalisme du 19ème siècle, encore moins avec  la Nouvelle Figuration de nos jours. Nous sommes également très loin des figures d'un Francis Bacon.  Là où les visages de Bacon sont cruellement mutilés, chez Burgar la beauté expressive et formelle du visage est intacte. C'est surtout dans le traitement du corps que les 2 peintres marquent leur différence. Amené par Bacon avec force au premier plan, dématérialisé, presque éthéré chez Burgar. Les êtres humains ici sont des créatures à la fois rêvant et rêvées, portées par le rythme d'un pinceau vibrant. Quelque chose de la légèreté et de la mélancolie de Watteau et de Mozart flotte dans ces toiles.

Faut-il en déduire qu'il s'agit d'un monde éloigné de la réalité, de l'objectivité et du présent? La violence, aujourd'hui comme dans le passé, est une réalité. Mais le rêve,  l'appel du lointain, le calme et le silence sont aussi à l'oeuvre dans ce que nous appelons le présent. Ces tableaux nous rappellent avec beaucoup de force que dans les relations humaines l'émotion et l'harmonie sont également d'actualité.

Le monde de Burgar est conservateur.. Dans conserver le passé et le futur cohabitent. En regardant l'avenir, on veut préserver quelque chose, à travers le temps,  pour ce qui vient  ou pour ceux qui viennent. Dans le vrai sens du mot, la conservation est porteur d'avenir. Je souhaite à cette peinture un avenir et à nous un avenir à l'image de ces tableaux.

— H. Hahne, Kunst und Künstler, Reden und Aufsätze von Heinrich Hahne, Wuppertal 1976., S. 59-60. (Traduit par Reinhilde Vaes Burgar)